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Bestiaire, 1998 à 1999
 
 
 
 
A propos de cette série  
 
37 peintures sur toile, inspirées des singularités existentielles de l'animal (terrestre, aquatique, aérien).
 
 
 
Ce qu'en dit Micheline LO  
 
Un autre dérivé des Chemins des écritures. Un animal, lui aussi apparu par hasard, a détourné le peintre de son intention de départ, et provoqué un bestiaire, d'une cinquantaine de figures.

D'abord fantaisistes, ensuite méditatives jusqu'au silence des animaux aquatiques. Progressivement, le propos fut de rejeter l'anthropomorphisme, et de rejoindre en l'animal sa différence.
 
 
 
Ce qu'en dit Henri VAN LIER  
 
Un Bestiaire contemporain n'est pas un Atlas de zoologie, mais un recueil de figures d'animaux à l'occasion duquel l'auteur et le spectateur se sont posé les questions suivantes.
  1. Selon quelles topologies, quelle mécanique et quelle hydrodynamique, des formations vivantes peuvent, au sein d'un environnement, faire croître des anatomies et des physiologies qui aient une stabilité suffisante pour constituer des espèces relativement viables, reconnaissables, reproductibles.

  2. Chaque formation d'espèce est une façon de distribuer pratiquement une portion d'un Monde-autour, d'un Umwelt (von Uexkuhl). Chez les vivants cérébrés, cette distribution s'accompagne d'une perception. Comment la Baleine et le Jaguar perçoivent-ils leur monde-autour, leur Umwelt ?

  3. Nous-mêmes, avec nos anatomies et nos cerveaux, sommes-nous capables de participer à des anatomies et cérébralités autres ? Jusqu'où communiquons-nous avec un Singe arboricole tête en bas? Le peintre allemand Bazelitz a montré des tableaux retournés, ce qui propose aux primates redressés que nous sommes, un spectacle renversé. Mais le singe arboricole, pour lequel la station tête en bas est naturelle, n'est pas renversé, et il retourne son spectateur, dont il relativise la station debout comme système de référence. Le Bestiaire ouvre ainsi sur des logiques polytopiques (Bourn, Lavendhomme), à des spectateurs prévenus par les Chemins des Ecritures que les perceptions sont partiellement à n dimensions.

  4. Plus anthropogéniquement, qu'est-ce alors que les Mondes-autour (Umwelt) qui ne sont pas construits par l'angularisation, l'orthogonalisation, la transversalisation, la référentialité, l'holosomie d'Homo, lequel pour autant habite un Welt tout court, c'est-à-dire un Umwelt à la fois clos et ouvert par un horizon? Ainsi chaque pièce du Bestiaire déclare le contraste entre la conscience animale et la conscience humaine, selon la VIIIe des Duineser Elegie de Rilke :

  5. « S'il y avait une conscience du genre de la nôtre dans le sûr animal qui vient à notre rencontre / en sens opposé – il nous retournerait / selon son allée. Mais son être est pour lui / infini, non lié, et sans regard / sur soi, pur, comme son regard en dehors. / Et, où nous voyons l'avenir, là il voit Tout / et soi dans Tout et sauvé pour toujours ? »

  6. A ce compte, comment mieux saisir quelque chose du rapport entre deux types de conscience sinon dans les interfaces entre un « milieu intérieur » et un « milieu extérieur » ? Donc, picturalement, dans un contour, un profil, une découpe qui, pour chaque espèce animale, ferait pressentir l'ensemble de ses interfaces ? Et cela grâce à un dessin-écriture-peinture qui montrerait cosmogoniquement chaque espèce. En proposant des os (structures) qui aient l'éclat d'une peau (texture), des peaux qui aient l'organisation d'ossature, au point d'évoquer, en deçà des deux, l'influence d'ultrastructures, avec leurs contraintes topologiques configuratrices.
Etonnement et admiration devant les singularités existentielles des espèces animales, le Bestiaire de Micheline Lo, une collection d'interfaces objectives activant nos interfaces subjectives, produit une effervescence cérébrale moins générale, c'est vrai, que Les Chemins des écritures, mais peut-être plus intimement mutationnelle.