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Henri VAN LIER
 
 
 
 
Les Chemins des Écritures  
 
Il faut avoir eu la bonne fortune, que j'ai eue, de voir un des Chemins des écritures de Micheline Lo à proximité d'un ordinateur. Un ordinateur en action, et où l'utilisateur était en train d'explorer non pas un programme particulier, mais justement un programme général de connexions entre toutes sortes de programmes. La toile n'était pas là par hasard, elle avait été choisie par celui qui travaillait à côté et qui, quand il en parlait, exprimait une sorte de complicité. Affective. Intellectuelle.

Ce genre de tableaux rend intelligent. Il remet  l'esprit dans ses conditions natives. Là où il n'est pas encore dans des programmes locaux, mais demeure indéfiniment disponible. Là où il n'est pas seulement analogique OU digital, c'est-à-dire en images OU en symboles abstraits (lettres et chiffres). Mais où il se tient entre deux, dans la matrice commune des uns et des autres. Là où ils passent les uns dans les autres. Sont en chemin les uns vers les autres. S'engendrent l'un l'autre.

C'est pourquoi il faut avoir eu encore l'autre bonne fortune, que j'ai eue aussi, de voir un de ces Chemins des écritures dans une pièce dite de séjour, au-dessus du moniteur de télévision, à partir d'un grand canapé de repos et de rêve. Vaguant de l'écran mobile à la toile mobile. Dans cet état entre sommeil et veille où Valéry observait "le berceau de ses hasards".
 
 
 
Les formations aminoïdes  
 
Un cas particulièrement clair et complet est celui des Chemins des écritures où depuis 1996 le peintre Micheline Lo produit des éléments simples digitalisables (caractère d'écriture et autres symboles reçus) qui se déplacent, se rencontrent, s'accrochent, se décrochent et réussissent à engendrer, fantasmer, en surface et en profondeur, les ultrastructures <21G1> (plus que structures et textures) de noeuds, diffusions, relais, fuites, murs-couloirs, clés-serrures, pompes aspirantes-foulantes, transmissions informatrices, etc. Dans ces séquences, le digital (de l'écriture) et l'analogique (des effets de champ perceptivo-moteurs et logico-sémiotiques, graphiques ou colorés) se serrent au plus près ; le digital paraît même conducteur, et cela "aveuglément", c'est-à-dire sans prévision globale préalable. Pareilles formations aminoïdes sont-elles alors une production singulière, tenant à une artiste qui a toujours été attirée par les ressources de l'écriture et du texte, ou s'agit-il d'un courant ?