Son projet pictural |
« Je peins le paysage cérébral »
« Je n’ai aucune imagination » « Je ne relève que des indices » « Il faut que partout ça avance et recule en même temps » « Je peins des ensembles, des suites. » Micheline LO Cette page est le fruit de l'étude et de la découverte progressive de l'oeuvre de Micheline LO. Commencée le 06 décembre 2020, en voici la version 21, telle qu'au 30 mars 2025. N'hésitez pas à nous faire part de vos propres découvertes. Peindre le paysage cérébral
En ouverture du catalogue de son exposition DIX ANS DE PEINTURE (1992), Micheline LO écrivait :
Si donc un paysage m'excite, c'est le paysage cérébral. (les rares dessins directs de montagnes, faits quand je suis dans la Drôme, sont marginaux). Et, comme tout cerveau, biologique ou artificiel, pondère, associe, renforce ou efface des indices et des écarts, Micheline LO inlassablement peindra : des indices, des écarts, des contrastes, des singularités, des clivages, des déclenchements, des effervescences, ... Peindre des écarts
Thématiquement, les écarts foisonnent dans l'œuvre de Micheline LO :
Faire décoller de la toile
A force de se singulariser, chaque élément décolle des éléments qui l'entourent, et décolle aussi de la toile.
Bien sûr, chaque spectateur voit d'abord ce qu'il recherche. S'il cherche des "formes", il verra des formes inachevées, inattendues, instables. Souvent, il faut un moment avant d'apercevoir à quel point chaque élement peint est toujours flottant, détaché des autres, en suspension dans l'espace. Peindre dans la profondeur
Micheline LO s'intéresse tout particulièrement aux écarts avant / arrière, à propos desquels elle disait:
Comme les vagues d'une mer dressée sur un mur Faire avancer / reculer, par les couleurs
Le noir est capable d'avancer et reculer:
Chez Micheline LO, il n'y a aucun jeu de perspective. Ce sont les propriétés des couleurs qui font avancer et reculer les éléments sur ses toiles. Entremêler les couleurs
Partout, Micheline LO entremêle les couleurs.
Les unes font avancer les nappes de couleur, les autres les font reculer.
Ces multitudes de nappes s’animent de mouvements où « tout avance et recule en même temps ».
Chaque parcelle de tableau, chaque coup de pinceau est un entremêlement, une superposition, un filigrane, un effleurement, un affleurement. Ces entremêlements animent des paysages cérébraux jamais achevés, toujours en mouvement, toujours en formation. Relever des indices, des singularités, des éléments perçus
Chaque indice, trace, empreinte se distingue des autres par ses singularités.
Un indice n'est pas modelé par l'esprit. Il ne sort pas d'une imagination. Ce n'est pas une forme. Il n'est ni achevé, ni conceptualisé.
C’est plutôt une formation, perçue en génération, en mutation, ou en disparition.
Que Micheline LO ait dit ne voir que des indices et qu'elle n'ait peint que des singularités mérite d'être souligné. Aucune de ses toiles n'est un « tout » composé par son imagination. Créer l'effervescence « parmi »
Si aucune des toiles de Micheline LO n'est un « tout » composé de « parties », alors le regard n'est pas invité à se positionner « devant » ses
œuvres, ni à contempler globalement ou partiellement des formes ou des éléments plastiques.
Les éléments perçus invitent le regard, et le cerveau, à circuler « parmi » eux. Cette fois, le spectateur n’est pas « devant » des cellules et des compositions plastiques, mais il est « parmi » des éléments perçus. Un activateur cérébral
A propos de la série LES CHEMINS DES ECRITURES, Henri VAN LIER écrivait aussi:
Peindre la perception basale
Singulièrement, chez LO:
Elle nous parle d'ailleurs explicitement de « pulsations basales ». Puissance d'évocation de la littérature
Plus que la musique (rythmique), l'architecture (englobante), ou la peinture (analogisante/digitalisante), la littérature est évocatrice.
Les mots déclenchent des tonalités, perceptions, ambiances, odeurs, chocs... qui, transitoirement, apparaissent, se transforment, se superposent, s'entremêlent à l'intérieur du cerveau du lecteur. Par leur puissance évocatrice, les textes ont constitué une source d'inspiration majeure pour Micheline LO, singulièrement dans ses séries : S'inspirer des textes et des écritures
Plus fondamentalement encore ce sont les TEXTES, puis les ECRITURES, proprement dits, qui ont inspiré LO.
Notamment dans les séries:
Lorsque Micheline LO s'inspirait de textes, elle les transformait en perceptions, pas en images. Pas d'images
Depuis la fin du 19ème siècle, les arts visuels s'inspirent, tous ou presque tous, des codes et images photographiques.
Aujourd'hui, ce sont des images statiques ou dynamiques qui peuplent nos écrans et notre environnement.
Micheline LO peint hors des codes photographiques et des images: sans cadrage, sans points de vues (simples ou multiples), sans jeux d'ombres, sans points ni grains (argentique ou digital), sans témoignage (image) d'un instant, sans recherche d'analogie ou d'illustration. Même dans sa série Portraits, ce sont d'abord des perceptions, des écarts, des processus de formations qu'elle peint. Pas d'intentions
Si l'on distingue les signes "perçus" (les indices), et les signes voulus (les index), ce sont les signes perçus que Micheline LO cherchait à relever et soumettre au regard.
Ne disait-elle pas
Je n’ai aucune imagination Mais les littérateurs, surtout les poètes, cherchent, d'instant en instant, à multiplier, augmenter, bousculer le sens, ou les sens, de leurs textes. Leurs textes s'effacent derrière les rythmes, les évocations, les ambiances, les perceptions qu'ils éveillent. C'est bien cela que Micheline LO cherchait à relever et à peindre: des perceptions, pas des intentions. Des indices
S'il est vrai que Micheline LO, peintre, prend ses distances avec les images et les codes photographiques,
il est vrai aussi que la part non-intentionnelle, indicielle, de la photographie a certainement inspiré sa démarche,
ainsi qu'en témoigne son expression : « Je ne vois que des indices ».
Une photographie, qu'elle soit prise à la volée, par un automate ou par un professionnel, n'est jamais le seul fruit d'une intention. Elle est d'abord la trace, le témoin, l’indice, de quelque chose, même si elle peut faire l'objet de préparatifs puis de sélections, ajustements, modifications intentionnels, parfois décisifs. Micheline LO, co-autrice de Philosophie de la photographie, publié en 1983, par Henri VAN LIER, en avait largement conscience. En 1982, elle commence à peindre pendant l'écriture de ce livre, où, philosophiquement, la photographie apparaît comme un processus indicialisant, producteur de signes non intentionnels. Cette non-intentionnalité de la photographie sera toutefois le seul aspect qu'elle en retiendra. Sujet d'oeuvre de Micheline LO
Historiquement, la plupart des artistes explorent des formes, des couleurs, des empreintes
Explorer le paysage cérébral
Un PAYSAGE n’a pas de bords
Explorer les formations / transformations
Un PAYSAGE est en perpétuelle formation / transformation
Peindre jusqu'aux formations vivantes
Les paysages cérébraux et les formations vivantes ont les mêmes ressorts:
Une peinture écrivante
TEXTES, PAYSAGES, et FORMATIONS VIVANTES se rejoignent.
Micheline LO peignait des traces de paysage cérébraux. Les spectateurs les font revivre ensuite en des connexions plurielles, nouvelles à chaque fois. On peut dire la même chose des formations vivantes. Une formation vivante, elle aussi, c'est comme un texte. Les chaînes ADN en témoignent. Et plus encore lorsque le déploiement de ces ADN dans l'espace leur donne de multiples propriétés d'interaction. Peindre des ensembles / suites / séries
Dans le monde vivant les suites sont des ensembles produits «une-fois-jamais-plus».
Peindre des croissances, plus que des textures ou des structures
Si l'on admet que les productions hominiennes sont de trois types:
Projet pictural
Quantité de projets artistiques véhiculent des idées: politiques, écologiques, techniques, régionalisantes, mondialisantes,
ou encore ils véhiculent des valeurs : énergie, sport, performance, prestige, luxe ou, à contrario, oppression, misère, handicap, marginalité.
Le projet de Micheline LO et strictement pictural. Il ne véhicule aucun message, idée, ou valeur. Il explore le paysage cérébral, et la perception basale, jusqu'aux fondements des formations vivantes. Courant artistique « basal »
Depuis les années 1960, beaucoup d'arts visuels avancent au rythme de leur médiatisation.
Les médias, et depuis 2000 les réseaux sociaux, invitent à la diffusion instantanée, planétaire, en réseau. Beaucoup d'artistes jouent alors sur la performance, l'événement, la sidération et produisent des objets qui sont hyper-quelque-chose: hyper-choc, hyper-soft, hyper-improbable, hyper-éphémère, hyper-lent, hyper-responsable, hyper-nouveau, hyper-technisisé, etc. L'oeuvre de Micheline LO s'inscrit sur le temps long, dans une démarche intemporelle, universelle, basale. Elle explore des paysages cérébraux, possibles mais imprévisibles, comme le sont la vie, la biologie, les formations vivantes. Peintre cosmogonique
Enfin, Micheline LO était une « peintre cosmogonique », au sens où son oeuvre « résonnait » et « raisonnait »
avec les paradigmes scientifiques de son époque, ceux de la fin du vingtième siècle.
Approche artistique
La distinction entre vie artistique conformante et vie artistique extrême, telle que nous la propose le philosophe anthropogéniste Henri VAN LIER,
nous donne ici un premier éclairage.
Mais Henri VAN LIER ne s'arrête pas là. Il distingue aussi : Autres textes explicatifs
Henri VAN LIER, philosophe et anthropogéniste, auteur de Les arts de l'espace, et de Philosophie de la photographie, ainsi que de 7 articles sur l'art
(peinture, sculpture, architecture, ...) dans l'Encyclopaedia Universalis (1968-1972), a consacré un long texte
à Micheline LO, en 2007, quatre ans après son décès, survenu en 2003.
|