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Son projet pictural

« Je peins le paysage cérébral »

« Je n’ai aucune imagination »

« Je ne relève que des indices »

« Il faut que partout ça avance et recule en même temps »

« Je peins des ensembles, des suites. »
 
 
Micheline LO  
 


Cette page est le fruit de l'étude et de la découverte progressive de l'oeuvre de Micheline LO.

Commencée le 06 décembre 2020, en voici la version 21, telle qu'au 30 mars 2025.

N'hésitez pas à nous faire part de vos propres découvertes.

 
 
Peindre le paysage cérébral  
 
 
En ouverture du catalogue de son exposition DIX ANS DE PEINTURE (1992), Micheline LO écrivait : Mon travail [...] ne peut se satisfaire de la rencontre avec le motif, il lui faut l'interférence d'un tiers [...]. C'est pourquoi, si j'admire profondément le désert, je préfère le peindre à travers le regard de Flaubert, qui emprunte le regard de Saint Antoine, lequel emprunte le regard du délire, lequel distend absolument l'unité du désert, puisqu'il n'y voit que des mirages.

Si donc un paysage m'excite, c'est le paysage cérébral. (les rares dessins directs de montagnes, faits quand je suis dans la Drôme, sont marginaux).
Voilà le fil conducteur de son travail d'artiste : peindre le paysage cérébral des autres puis, à partir de 1996, peindre des paysages cérébraux d'éléments singuliers d'univers, avec ses essais, erreurs, rencontres, écarts improbables... toujours en suspens.

Et, comme tout cerveau, biologique ou artificiel, pondère, associe, renforce ou efface des indices et des écarts, Micheline LO inlassablement peindra : des indices, des écarts, des contrastes, des singularités, des clivages, des déclenchements, des effervescences, ...
 
 
 
Peindre des écarts  
 
 
Thématiquement, les écarts foisonnent dans l'œuvre de Micheline LO :
  • naturel / surnaturel * raison / délire * vie / mort
  • magnificence / dérision * vide / éclat * clair / obscur
  • accélération / reprise * trait / couleur
  • volumes négatifs / positifs * évanescence / apparition
  • figuratif / non-figuratif * analogique / digital
  • paix / hostilité * nostalgie / modernité
  • apparition / disparition * fond / forme
En 1992, elle écrira:
Il y faut la présence d'un écart interne, qu'il se soit engouffré dans la toile, et qu'elle le tienne entre ses quatre bords. Picturalement aussi, ce sont des écarts et des singularités qu'elle explore, et en particulier les rapports avant / arrière.
 
 
 
Faire décoller de la toile  
 
 
A force de se singulariser, chaque élément décolle des éléments qui l'entourent, et décolle aussi de la toile.

Bien sûr, chaque spectateur voit d'abord ce qu'il recherche. S'il cherche des "formes", il verra des formes inachevées, inattendues, instables.

Souvent, il faut un moment avant d'apercevoir à quel point chaque élement peint est toujours flottant, détaché des autres, en suspension dans l'espace.

 
 
 
Peindre dans la profondeur  
 
 
Micheline LO s'intéresse tout particulièrement aux écarts avant / arrière, à propos desquels elle disait: Ils laissent place à des entre-deux où naissent un mouvement basal, une pulsation, une vibration. Et, s'il y a une phrase qu'elle n'a cessé de répéter, c'est peut-être: Il faut que de partout ça avance et recule en même temps
Comme les vagues d'une mer dressée sur un mur
Ce mouvement avant / arrière introduit une sorte de troisième dimension, où des éléments perçus et des éléments sous-jacents cohabitent, se relayent et circulent .
 
 
 
Faire avancer / reculer, par les couleurs  
 
 
Le noir est capable d'avancer et reculer:
  • Reculer comme les ténèbres, les vides, les gouffres.
  • Avancer comme les traits, les formes, les pleins qui se détachent sur un fond.
A ce jeu, les noirs (et les blancs) sont particulièrement possibilisateurs. Mais les autres couleurs aussi.

Chez Micheline LO, il n'y a aucun jeu de perspective. Ce sont les propriétés des couleurs qui font avancer et reculer les éléments sur ses toiles.
 
 
 
Entremêler les couleurs  
 
 
Partout, Micheline LO entremêle les couleurs. Les unes font avancer les nappes de couleur, les autres les font reculer. Ces multitudes de nappes s’animent de mouvements où « tout avance et recule en même temps ».

Chaque parcelle de tableau, chaque coup de pinceau est un entremêlement, une superposition, un filigrane, un effleurement, un affleurement.

Ces entremêlements animent des paysages cérébraux jamais achevés, toujours en mouvement, toujours en formation.
 
 
 
Relever des indices, des singularités, des éléments perçus  
 
 
Chaque indice, trace, empreinte se distingue des autres par ses singularités. Un indice n'est pas modelé par l'esprit. Il ne sort pas d'une imagination. Ce n'est pas une forme. Il n'est ni achevé, ni conceptualisé. C’est plutôt une formation, perçue en génération, en mutation, ou en disparition.

Que Micheline LO ait dit ne voir que des indices et qu'elle n'ait peint que des singularités mérite d'être souligné. Aucune de ses toiles n'est un « tout » composé par son imagination.
 
 
 
Créer l'effervescence « parmi »  
 
 
Si aucune des toiles de Micheline LO n'est un « tout » composé de « parties », alors le regard n'est pas invité à se positionner « devant » ses œuvres, ni à contempler globalement ou partiellement des formes ou des éléments plastiques.

Les éléments perçus invitent le regard, et le cerveau, à circuler « parmi » eux.

Cette fois, le spectateur n’est pas « devant » des cellules et des compositions plastiques, mais il est « parmi » des éléments perçus.
 
 
 
Un activateur cérébral  
 
 
A propos de la série LES CHEMINS DES ECRITURES, Henri VAN LIER écrivait aussi:
    Rassemblant des états métastables, travaillé de ses ultrastructures, de ses reflux de (re)séquenciations, de ses graphes secrets, de ses interfaces du percevant et du perçu, un Chemin des écritures est l'activateur cérébral le plus intense et le plus « Universel » qu'on puisse concevoir.
 
 
 
Peindre la perception basale  
 
 
Singulièrement, chez LO:
  • les cellules plastiques sont remplacées par des éléments perçus,
  • les formes sont remplacées par des formations en cours,
  • la contemplation « devant » devient une effervescence « parmi »,
  • les éléments analogisants sont réduits à des singularités digitalisantes,
  • les liaisons entre éléments sont des relais de déclenchements.
A sa manière, Micheline LO nous propose une peinture de la perception basale.

Elle nous parle d'ailleurs explicitement de « pulsations basales ».
 
 
 
Puissance d'évocation de la littérature  
 
 
Plus que la musique (rythmique), l'architecture (englobante), ou la peinture (analogisante/digitalisante), la littérature est évocatrice.

Les mots déclenchent des tonalités, perceptions, ambiances, odeurs, chocs... qui, transitoirement, apparaissent, se transforment, se superposent, s'entremêlent à l'intérieur du cerveau du lecteur.

Par leur puissance évocatrice, les textes ont constitué une source d'inspiration majeure pour Micheline LO, singulièrement dans ses séries :
  • La tentation de saint Antoine, de Flaubert
  • Don Quichotte (El ingenioso hidalgo don Quixote de la Mancha), de Miguel de Cervantes (Espagne)
  • La divine comédie, de Dante (Italie)
  • Terra Nostra, de Carlos Fuentes (Mexique)
  • Miracle de la Rose, de Jean Genet (France)
  • Cent ans de solitude (Cien años de soledad), Gabriel García Márquez (Colombie)
  • Salammbô, Flaubert (France)
  • Vents, Saint-John Perse (France)
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    S'inspirer des textes et des écritures  
     
     
    Plus fondamentalement encore ce sont les TEXTES, puis les ECRITURES, proprement dits, qui ont inspiré LO. Notamment dans les séries:
    • L'enfer de Jean Genet, Sous-série Descente aux enfers, La mort d'Harcamone (1991), où elle dessine du texte.
    • Vents (1995), de Saint-John Perse, où elle peint du texte.
    • Les chemins des écritures (1996-1997), où elle peint des éléments d'écriture.
    • Les esprit du vins (2001), où elle peint des mots.
    Ces textes et écritures éveillent des perceptions et des paysages cérébraux.

    Lorsque Micheline LO s'inspirait de textes, elle les transformait en perceptions, pas en images.
     
     
     
    Pas d'images  
     
     
    Depuis la fin du 19ème siècle, les arts visuels s'inspirent, tous ou presque tous, des codes et images photographiques. Aujourd'hui, ce sont des images statiques ou dynamiques qui peuplent nos écrans et notre environnement.

    Micheline LO peint hors des codes photographiques et des images: sans cadrage, sans points de vues (simples ou multiples), sans jeux d'ombres, sans points ni grains (argentique ou digital), sans témoignage (image) d'un instant, sans recherche d'analogie ou d'illustration.

    Même dans sa série Portraits, ce sont d'abord des perceptions, des écarts, des processus de formations qu'elle peint.
     
     
     
    Pas d'intentions  
     
     
    Si l'on distingue les signes "perçus" (les indices), et les signes voulus (les index), ce sont les signes perçus que Micheline LO cherchait à relever et soumettre au regard. Ne disait-elle pas Je ne relève que des indices

    Je n’ai aucune imagination
    Bien sûr, un texte produit par un humain, est toujours "voulu". Surtout lorsqu'il s'agit d'un texte technique, où chaque mot signifie, spécifie, désigne quelque chose, sans ambiguïté aucune.

    Mais les littérateurs, surtout les poètes, cherchent, d'instant en instant, à multiplier, augmenter, bousculer le sens, ou les sens, de leurs textes. Leurs textes s'effacent derrière les rythmes, les évocations, les ambiances, les perceptions qu'ils éveillent.

    C'est bien cela que Micheline LO cherchait à relever et à peindre: des perceptions, pas des intentions.
     
     
     
    Des indices  
     
     
    S'il est vrai que Micheline LO, peintre, prend ses distances avec les images et les codes photographiques, il est vrai aussi que la part non-intentionnelle, indicielle, de la photographie a certainement inspiré sa démarche, ainsi qu'en témoigne son expression : « Je ne vois que des indices ».

    Une photographie, qu'elle soit prise à la volée, par un automate ou par un professionnel, n'est jamais le seul fruit d'une intention. Elle est d'abord la trace, le témoin, l’indice, de quelque chose, même si elle peut faire l'objet de préparatifs puis de sélections, ajustements, modifications intentionnels, parfois décisifs.

    Micheline LO, co-autrice de Philosophie de la photographie, publié en 1983, par Henri VAN LIER, en avait largement conscience. En 1982, elle commence à peindre pendant l'écriture de ce livre, où, philosophiquement, la photographie apparaît comme un processus indicialisant, producteur de signes non intentionnels. Cette non-intentionnalité de la photographie sera toutefois le seul aspect qu'elle en retiendra.
     
     
     
    Sujet d'oeuvre de Micheline LO  
     
     
    Historiquement, la plupart des artistes explorent des formes, des couleurs, des empreintes
  • Les peintres classiques composent, organisent des FORMES.
  • Les impressionnistes décomposent / recomposent la LUMIERE.
  • Les modernes éclatent, aplatissent, déforment, recomposent, réinventent, collent, assemblent ou font glisser des FORMES réalistes, abstraites, surréalistes, hyperréalistes, etc.
  • Nombre de peintres contemporains travaillent des EMPREINTES et des codes photographiques.
  • Micheline LO explore principalement des INDICES, des ECARTS et des FORMATIONS
  • Un paysage naturel ou cérébral est fait d'indices, d’écarts et de formations
  • Un cerveau biologique, ou artificiel, ne traite et pondère que des écarts et des formations
  • Chez LO, des formes, éventuellement figuratives, en suspens, transitoires, jamais achevées, peuvent naître, au cas par cas, de ces formations.
     
     
     
    Explorer le paysage cérébral  
     
     
    Un PAYSAGE n’a pas de bords
  • Les horizons se déplacent avec le regard, les mouvements du corps, le travail du cerveau.
  • Singulièrement, les bords des tableaux de Micheline LO ne sont pas des lignes d’arrêt, mais des lignes de reflux, des lignes de mutations, des lignes de disparition.
  • D'abord, elle a peint ses toiles sans cadre, étendues au sol, ou épinglée au mur, sans autre bord que les fils s'échappant de la toile.
  • Un PAYSAGE est insaisissable
  • Il est le siège de variations incessantes. On peut le regarder indéfiniment.
  • Lorsque l’œil s’arrête ou se fixe sur un endroit, il ne voit plus le paysage, mais un détail.
  • Pour Micheline LO l’œil ne pouvait s’arrêter sur rien.
  • Un PAYSAGE est peuplé d'écarts et interfaces
  • Ecarts et interfaces : ombre/lumière, stable/mouvant, lointain/proche, animal/végétal, aérien/minéral, ciel/terre, etc.
  • Micheline LO peignait des écarts, déclencheurs de connexions. Les traits, couleurs, taches de ses toiles et dessins étaient au service des écarts et de ce qu'ils déclenchents.
  • Un PAYSAGE est cérébral
  • Un paysage perçu n’existe que dans un cerveau. Un chien, un chat, un aigle, une abeille perçoivent des paysages différents. Chaque cerveau cartographie différemment. Chaque paysage perçu est différent, continuellement, cérébralement.
  • Micheline LO a peint des paysages cérébraux. D'abord ceux que lui inspiraient Dante, Flaubert, Genet, Saint-John Perse. Ceux d'Espagne et d'Amérinde. Puis, un jour, des paysages cérébraux singuliers d'éléments d'univers.
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    Explorer les formations / transformations  
     
     
    Un PAYSAGE est en perpétuelle formation / transformation
  • Un paysage naturel est fait de formations / transformations jamais achevées: minérales, végétales, animales, lumineuses, etc.
  • Un paysage cérébral est fait de perceptions jamais achevées: capture, mémorisation, mémoration, séquencements / reséquencements, mutations / disparitions.
  • Micheline LO, à force de peindre des paysages cérébraux, a fini par peindre essentiellement des formations / transformations toujours en mouvement, jamais figées, ni composées, ni achevées, comme par exemple: celles que lui évoquaient les littératures, celles des animaux en interface avec leur milieu, celles des textes et écritures proprement dits.
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    Peindre jusqu'aux formations vivantes  
     
     
    Les paysages cérébraux et les formations vivantes ont les mêmes ressorts:
  • Des écarts,
  • Des connexions,
  • Des interactions,
  • Des déclenchements,
  • Des séquenciation, reséquenciation,
  • Des éléments qui s'assemblent et déassemblent,
  • Des formations en génération, transformation, disparition,
  • Ainsi, Henri VAN LIER verra-t-il en Micheline LO non seulement un peintre du Paysage cérébral, comme elle le disait elle-même, mais aussi un peintre des formations vivantes.
     
     
     
    Une peinture écrivante  
     
     
    TEXTES, PAYSAGES, et FORMATIONS VIVANTES se rejoignent.
  • Un texte est un ensemble de caractères élémentaires.
  • En s’approchant on ne voit que ses éléments: mots, lettres, symboles, ponctuations, pictogrammes, idéogrammes.
  • Mais à une certaine distance on voit le texte, il prend les propriétés d'un paysage, voire celles d'une formation vivante,
  • Ecrire ou lire un texte met en jeu des paysages / des formations cérébrales / des formations vivantes.
  • Micheline LO travaillait ses toiles comme des paysages / textes / formations.
  • Sa peinture était écrivante, comme dans la série QUETZALCOATL, ou même totalement écrivante comme dans les séries VENTS, LES CHEMINS DES ECRITURES, LES ESPRITS DU VIN.
  • Avant de commencer à peindre, elle avait écrit FLEXTE.
  • Les textes d'auteurs constituent des traces de leurs paysages cérébraux, souvent multiples, foisonnants, insaisissabes. Les lecteurs réactives ces traces, en d'autres paysages cérébraux, différents chaque fois.

    Micheline LO peignait des traces de paysage cérébraux. Les spectateurs les font revivre ensuite en des connexions plurielles, nouvelles à chaque fois.

    On peut dire la même chose des formations vivantes. Une formation vivante, elle aussi, c'est comme un texte. Les chaînes ADN en témoignent. Et plus encore lorsque le déploiement de ces ADN dans l'espace leur donne de multiples propriétés d'interaction.
     
     
     
    Peindre des ensembles / suites / séries  
     
     
    Dans le monde vivant les suites sont des ensembles produits «une-fois-jamais-plus».
  • A ses débuts Micheline LO écrivait « Il me semble que l'unité de mes toiles se fait hors d'elles-mêmes, en suspend quelque part dans la fantasmatique des mythes. D'où peut-être je peins des ensembles, des suites ».
  • D'abord elle parlait plutôt de « suites de tableaux », comme les musiciens parlent de « suites musicales ». C'est, après coup, en numérotant ses tableaux qu'elle commencera à parler de « séries ».
  • Lorsqu'une série était terminée, elle ne pouvait la « rouvrir », même à la demande d'un client. C'était « une-fois-jamais-plus ».
  • Chaque série était une sorte de territoire, un territoire cérébral, vivant, dont elle explorait les mystères, philosophiquement, picturalement, jusqu'à épuisement.
  • 1982 à 1995, territoires cérébraux d'auteurs (Flaubert), de peuples (Suite espagnole), de religions (Paradis de Dante), de communautés hors-la-loi (Enfer de Genet).

  • 1996 to 2001, Territoires cérébraux singularisés par son propre cerveau pluriel:
  • Connexions / reconnexions de signes, dans la série Les chemins des écritures.
  • Basculement entre savoir et voir, dans la série L’astronome.
  • Bipolarité entre conflits et pactes, dans la série Traités de Paix.
  • Singularités existentielles de l’animal, dans la série Bestiaire.
  • Variabilités de la main peignante, dans la série Mains.
  • Apparitions / disparitions, dans la série Caméléons.
  • Au-delàs / en-dedans, dans la série Migrations.
  • Entre-apercevoir / ressentir, dans la série Les esprits du vin.
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    Peindre des croissances, plus que des textures ou des structures  
     
     
    Si l'on admet que les productions hominiennes sont de trois types:
  • Des TEXTURES, c'est à dire des structures avec des irrégularités (Tissus, Pierres ou bois taillés, Cuirs, etc.), comme dans les arts primitifs par exemple.
  • Des STRUCTURES, c'est à dire des constructions, répondant à des lois, quasi mathématisables, comme dans l'art classique.
  • Des CROISSANCES, c'est à dire des formations artificielles (polymères, réseaux informatiques), qui se propagent (croissent) à la manière des formations vivantes (buissons, acides aminés).
  • alors on observe que la peinture de Micheline LO ne repose guère sur des textures (hormis le grain du papier ou celui de la toile souvent préservés), ni sur des structures visibles ou cachées, mais elle repose sur des croissances (paysages cérébraux et formations vivantes).
     
     
     
    Projet pictural  
     
     
    Quantité de projets artistiques véhiculent des idées: politiques, écologiques, techniques, régionalisantes, mondialisantes, ou encore ils véhiculent des valeurs : énergie, sport, performance, prestige, luxe ou, à contrario, oppression, misère, handicap, marginalité.

    Le projet de Micheline LO et strictement pictural. Il ne véhicule aucun message, idée, ou valeur. Il explore le paysage cérébral, et la perception basale, jusqu'aux fondements des formations vivantes.
     
     
     
    Courant artistique « basal »  
     
     
    Depuis les années 1960, beaucoup d'arts visuels avancent au rythme de leur médiatisation.

    Les médias, et depuis 2000 les réseaux sociaux, invitent à la diffusion instantanée, planétaire, en réseau. Beaucoup d'artistes jouent alors sur la performance, l'événement, la sidération et produisent des objets qui sont hyper-quelque-chose: hyper-choc, hyper-soft, hyper-improbable, hyper-éphémère, hyper-lent, hyper-responsable, hyper-nouveau, hyper-technisisé, etc.

    L'oeuvre de Micheline LO s'inscrit sur le temps long, dans une démarche intemporelle, universelle, basale. Elle explore des paysages cérébraux, possibles mais imprévisibles, comme le sont la vie, la biologie, les formations vivantes.
     
     
     
    Peintre cosmogonique  
     
     
    Enfin, Micheline LO était une « peintre cosmogonique », au sens où son oeuvre « résonnait » et « raisonnait » avec les paradigmes scientifiques de son époque, ceux de la fin du vingtième siècle.
  • A cette époque, on parlait de formations minérales, formations vivantes, formations anatomo-physiologiques, formation de l'Univers, formations de particules, toujours transitoires.
  • Les approches scientifiques devenaient de plus en plus digitales, privilégiant les écarts et les pondérations.
  • Les biologistes raisonnaient par découpage, séquenciation / reséquenciation de matériel cellulaire, en perpétuelle formation.
  • Témoin de son époque, Micheline LO peignait des formations plus que des formes. Les éléments perçus de ses toiles étaient plus digitaux qu'analogiques, disponibles pour d'incessantes reséquenciations (singulièrement depuis la série La Vache Bleue, 1989).
     
     
     
    Approche artistique  
     
     
    La distinction entre vie artistique conformante et vie artistique extrême, telle que nous la propose le philosophe anthropogéniste Henri VAN LIER, nous donne ici un premier éclairage.
  • La vie artistique conformante a pour résultat de conforter les codes ambiants. Elle travaille, renforce et va même, comme souvent aujourd'hui, jusqu'à survolter ces codes ambiants, avec une maîtrise qui peut aller jusqu'à produire de véritables chefs d'oeuvres, du moins au sens technique du terme.
  • La vie artistique extrême ébranle, ou du moins découvre jusqu'à leurs racines, les codes ambiants.
  • Sous ce premier éclairage, Micheline LO se situe du côté de la vie artistique extrême. Elle peint la perception dans ce qu'elle a de plus basal, en dehors de tout code ambiant.

    Mais Henri VAN LIER ne s'arrête pas là. Il distingue aussi :
  • Le descriptible, qu'il situe dans l'ordre des fonctionnements, avec pour exemple les dessins techniques en général, et ceux de Léonard de Vinci notamment.
  • L'indescriptible, qu'il situe dans l'ordre de la présence ou apparitionnalité, comme l'illustrent nombre de réalisations d'artistes, et par exemple les sfumatos pleins de mystères du même Léonard de Vinci.
  • Ici, Micheline LO, se situe elle-même du côté de la présence / apparitionnalité, ainsi qu'elle l'écrit: La genèse de mon travail [...] est plus généralement celle par essais et erreurs, d'une apparition improbable. Il y faut la présence d'un écart interne, qu'il se soit engouffré dans la toile et qu'elle le tienne entre ses quatre bords.
     
     
     
    Autres textes explicatifs  
     
     
    Henri VAN LIER, philosophe et anthropogéniste, auteur de Les arts de l'espace, et de Philosophie de la photographie, ainsi que de 7 articles sur l'art (peinture, sculpture, architecture, ...) dans l'Encyclopaedia Universalis (1968-1972), a consacré un long texte à Micheline LO, en 2007, quatre ans après son décès, survenu en 2003.
  • Pour une version abrégée / simplifiée du texte (50 pages) Voir le texte (ici)
  • Pour un accès à une version complète du texte (84 pages) Voir le texte (ici)
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