Son projet pictural |
« Je peins le paysage cérébral »
« Je ne relève que des indices » « Je n’ai aucune imagination » « Il faut que partout ça avance et recule en même temps » « Je peins des ensembles, des suites. » Micheline LO Cette page est le fruit de la découverte progressive de l'oeuvre de Micheline LO. Commencée le 06 décembre 2020, cette vingt-deuxième version date du 23 juillet 2025. On y trouve des pistes de réflexion. Comme dans un bloc-notes. Un texte sur la Notion de paysage cérébral chez Micheline LO est disponible Voir texte (ici) Peindre le paysage cérébral
En ouverture du catalogue de son exposition DIX ANS DE PEINTURE (1992), Micheline LO écrivait :
Si donc un paysage m'excite, c'est le paysage cérébral. (les rares dessins directs de montagnes, faits quand je suis dans la Drôme, sont marginaux). Et, comme tout cerveau, biologique ou artificiel, pondère, associe, renforce ou efface des indices et des écarts, Micheline LO inlassablement peindra : des indices, des écarts, des contrastes, des singularités, des clivages, des déclenchements, des effervescences, ... Relever des indices
Que se passe-t-il dans un cerveau? Personne ne le sait. Ni dans le sien, ni dans celui des autres.
Pour peindre un paysage cérébral, il faut s’intéresser aux indices.
Un « indice » est "perçu". Il évoque et suggère. Une rougeur sur un visage peut être l’indice d’une fièvre, une irritation, un sentiment, une pression, une allergie, une brûlure, un maquillage, etc. Un travail d’élucidation est nécessaire. Lorsque Micheline LO disait peindre le paysage cérébral de Flaubert, Dante, Genet, ou Saint-John Perse, elle ne disposait que d’indices. Comme un détective, un chasseur, ou un scientifique, elle relevait des indices dans leurs écrits. Parmi ces indices : la compacité, la luminosité, l’enfermement, ou encore le souffle de leurs textes. Ces indices pouvaient trahir, ou suggérer quelque chose du paysage cérébral de leurs auteurs. Peindre sans imagination
Micheline LO disait "je peins sans imagination".
Ce qu'elle peint n'est pas "imaginé" dans les couches les plus élevées du cerveau : celles du dicible et de la raison. Comme un rabatteur, elle relève des indices et peint des indices. Peindre des écarts
Thématiquement, les écarts foisonnent dans l'œuvre de Micheline LO :
Peindre dans la profondeur
Micheline LO s'intéresse tout particulièrement aux écarts avant / arrière, à propos desquels elle disait:
Comme les vagues d'une mer dressée sur un mur Faire avancer / reculer, par les couleurs
Le noir est capable d'avancer et reculer:
Chez Micheline LO, il n'y a aucun jeu de perspective. Ce sont les propriétés des couleurs qui font avancer et reculer les éléments sur ses toiles. Entremêler les couleurs
Partout, Micheline LO entremêle les couleurs.
Les unes font avancer les nappes de couleur, les autres les font reculer.
Ces multitudes de nappes s’animent de mouvements où « tout avance et recule en même temps ».
Chaque parcelle de tableau, chaque coup de pinceau est un entremêlement, une superposition, un filigrane, un effleurement, un affleurement. Ces entremêlements animent des paysages cérébraux jamais achevés, toujours en mouvement, toujours en formation. Créer l'effervescence « parmi »
Aucune des toiles de Micheline LO n'est "imaginée" comme un « tout » composé de « parties ». Le regard n'est pas invité à se positionner « devant » ses
œuvres, ni à contempler globalement ou partiellement des formes ou des éléments plastiques.
Les éléments perçus invitent le regard, et le cerveau, à circuler « parmi » eux. Cette fois, le spectateur n’est pas « devant » des cellules et des compositions plastiques, mais il est « parmi » des éléments perçus. Faire décoller de la toile
A force d'écarts et de singularités, chaque élément se détache des éléments qui l'entourent.
Dans certains tableaux, les éléments décollent et dansent sur la toile. Chaque spectateur peut voir d'abord ce qu'il recherche. S'il cherche des "formes", il verra des formes inachevées, inattendues, instables. Il faut parfois un moment avant d'apercevoir à quel point chaque élement peint est presque toujours flottant, détaché des autres, en suspension dans l'espace. Un activateur cérébral
A propos de la série LES CHEMINS DES ECRITURES, Henri VAN LIER écrivait ceci:
Peindre des formations pas des formes
Une forme se perçoit de l'extérieur. Elle se détache sur un fond. Une formation, par contre, se perçoit de l'intérieur.
Elle regroupe des éléments qui ensemble constituent quelque chose. On parle de formations végétales, minérales, organiques, osseuses, cellulaires, par exemple.
Dans ses peintures, Micheline LO ne propose pas des formes "achevées", maîtrisables depuis l'extérieur, comme peuvent l'être des images. Elle peint des formations encore "incertaines" dans lesquelles le cerveau "baigne" comme il pourrait "baigner" dans un paysage. Peindre la perception basale
Singulièrement, chez LO:
Elle nous parle d'ailleurs explicitement de « pulsations basales ». Puissance d'évocation de la littérature
Plus que la musique (rythmique), l'architecture (englobante), ou la peinture (analogisante/digitalisante), la littérature est évocatrice.
Les mots déclenchent des tonalités, perceptions, ambiances, odeurs, chocs... qui, transitoirement, apparaissent, se transforment, se superposent, s'entremêlent à l'intérieur du cerveau du lecteur. Par leur puissance évocatrice, les textes ont constitué une source d'inspiration majeure pour Micheline LO, en particulier dans ses séries : S'inspirer de textes et écritures
Plus que la littérature ce sont les TEXTES et les ECRITURES qui ont inspiré Micheline LO.
Textes et paysages cérébraux
Les TEXTES et les PAYSAGES cérébraux partagent plusieurs caractéristiques:
Il est sans doute remarquable aussi que la première série de ses peintures inspirée de son propre paysage cérébral se soit intitulée Les Chemins des Ecritures. Pas de codes photographiques
Depuis la fin du 19ème siècle, les arts visuels s'inspirent, tous ou presque, des codes et images photographiques.
Les images directement ou indirectement photographiques envahissent notre environnement.
Micheline LO reste à distance des codes photographiques et des images. Elle peint sans cadrage, sans points de vues (simples ou multiples), sans jeux d'ombres, sans points ni grains (argentique ou digital), sans témoignage (image) d'un instant, sans recherche d'illustration. Même dans sa série Portraits, ce sont d'abord des perceptions, des écarts, et des formations qu'elle peint. Non-intentionnalité des indices
S'il est vrai que Micheline LO, peintre, se tient à distances des images et des codes photographiques,
il est vrai aussi que la part non-intentionnelle, indicielle, de la photographie a certainement inspiré sa démarche.
Une photographie, qu'elle soit prise à la volée, par un automate ou par un professionnel, n'est jamais le seul fruit d'une intention. Elle est d'abord la trace, le témoin, l’indice, de quelque chose, même lorsqu'elle a fait l'objet de préparatifs, de sélections, ajustements, modifications, à la fois intentionnels et décisifs. Micheline LO, dont le rôle a été constant dans l'écriture de Philosophie de la photographie, publié en 1983, par Henri VAN LIER, en avait largement conscience. En 1982, elle commence à peindre pendant l'écriture de ce livre, où, philosophiquement, la photographie apparaît comme un processus indicialisant, producteur de signes non intentionnels. Cette part prépondérante de non-intentionnalité de la photographie l'a certainement marquée. Sujet d'oeuvre de Micheline LO
Historiquement, la plupart des artistes explorent des formes, des couleurs, des empreintes
Explorer le paysage cérébral
Un PAYSAGE englobe en même temps qu'il évolue.
Explorer les formations / transformations
Un PAYSAGE est en perpétuelle formation / transformation
Peindre jusqu'aux formations vivantes
Les paysages cérébraux et les formations vivantes ont les mêmes ressorts:
Une peinture écrivante
TEXTES, PAYSAGES, et FORMATIONS VIVANTES se rejoignent.
Micheline LO peignait des traces de paysage cérébraux. Ceux qui rencontrent ses tableaux les font revivre en des connexions plurielles, nouvelles à chaque fois. On peut dire la même chose des formations vivantes. Une formation vivante c'est comme un texte. Les chaînes ADN en sont des exemples. Le reséquencement de ces ADN ou leur simple redéploiement dans l'espace change leurs propriétés d'interactions. Peindre des ensembles / suites / séries
Dans le monde vivant les suites sont des ensembles produits «une-fois-jamais-plus».
Peindre des croissances, plus que des textures ou des structures
Si l'on admet que les productions humaines sont de trois types:
Projet pictural
Quantité de projets artistiques véhiculent des idées: politiques, écologiques, techniques, régionalisantes, mondialisantes,
ou encore ils véhiculent des valeurs : énergie, sport, performance, prestige, luxe ou, à contrario, oppression, misère, handicap, marginalité.
Le projet de Micheline LO et strictement pictural. Il ne véhicule aucun message, idée, ou valeur. Il explore le paysage cérébral, et la perception basale, jusqu'aux fondements des formations vivantes. Le temps "long"
Depuis les années 1960, beaucoup d'arts visuels avancent au rythme de leur médiatisation, sur le "temps court".
Les médias, et depuis 2000 les réseaux sociaux, invitent à la diffusion instantanée, planétaire, en réseau. Beaucoup d'artistes jouent alors sur la performance, l'événement, la sidération et produisent des objets qui sont hyper-quelque-chose: hyper-choc, hyper-soft, hyper-improbable, hyper-éphémère, hyper-lent, hyper-responsable, hyper-nouveau, hyper-technicisé, etc. L'oeuvre de Micheline LO s'inscrit sur le temps long, dans une démarche intemporelle, universelle, basale. Elle explore des paysages cérébraux, possibles mais imprévisibles, comme le sont la vie, la biologie, les formations vivantes. Une peinture cosmogonique
Enfin, Micheline LO était une « peintre cosmogonique », au sens où son oeuvre « résonnait » et « raisonnait »
avec les "théories des choses" (mythes, croyances, connaissances) scientifiques de son époque, celles de la fin du vingtième siècle.
Approche artistique
La distinction entre vie artistique conformante et vie artistique extrême, telle que nous la propose le philosophe anthropogéniste Henri VAN LIER,
nous donne ici un premier éclairage.
Mais Henri VAN LIER ne s'arrête pas là. Il distingue aussi : Autres textes explicatifs
Henri VAN LIER, philosophe et anthropogéniste, auteur de Les arts de l'espace, et de Philosophie de la photographie, ainsi que de 7 articles sur l'art
(peinture, sculpture, architecture, ...) dans l'Encyclopaedia Universalis (1968-1972), a consacré un long texte
à Micheline LO, en 2007, quatre ans après son décès, survenu en 2003.
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